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Paul-Jacques Bonzon, écrivain pour la jeunesse

27 septembre 2010.

Paul-Jacques Bonzon

L’auteur de la série des Six compagnons, Paul-Jacques Bonzon (1908-1978) était originaire de la Manche. Yves Marion a   consacré un ouvrage extrêmement documenté à cet auteur tombé dans l’oubli. Toute une génération se souvient pourtant d’avoir dévoré les aventures des Six compagnons dans la « Bibliothèque verte ». Mais nous sommes peu nombreux à savoir qui en était l’auteur. Et encore moins à connaître son enfance manchoise. Paul-Jacques Bonzon fut instituteur avant d’écrire pour la jeunesse avec un souci de pédagogue constant. Et c’est à juste titre qu’un autre instituteur originaire de la région, Yves Marion, lui rend hommage dans une étude biographique extrêmement détaillée. Celle-ci est d’ailleurs prétexte à l’exploration de nombreux contextes : quotidien des Normaliens dans les années 20, parcours d’un instituteur en milieu rural, naissance et phénomène éditorial de la littérature jeunesse…

CRL : Qu’est-ce qui a motivé l’écriture de ce livre ?
Yves Marion  :
La première raison est professionnelle. J’ai appartenu à la maison de l’Éducation Nationale durant une vingtaine d’années. J’ai été inspecteur dans le Calvados. Mais j’ai aussi connu Paul-Jacques Bonzon lorsque j’étais enfant.  Ma famille et la sienne étaient proches.  J’allais en vacances à Barneville-sur-mer là où habitait la mère de l’écrivain. Il y a une deuxième raison qui concerne la sauvegarde du patrimoine. Dans les années 2000, j’ai visité une école où j’ai trouvé des livres de Bonzon à la corbeille ! On m’avait répondu que ce n’était plus demandé. Savoir que un écrivain aussi important en quantité d’exemplaires parus, dont on dit qu’il est le deuxième en France après Jules Verne, ne soit plus demandé au point de le retirer des étagères… Pour moi il y avait urgence. Des universitaires spécialistes de la littérature pour enfants m’ont rétorqué que je m’avançais sur un terrain inconnu, celui de la littérature jeunesse d’après-guerre, rangée au purgatoire des études universitaires !

CRL : Comment expliquer ce désintérêt ?
Y. M. :
Cette littérature naît dans l’après-guerre au moment où le livre se développe et devient un objet de consommation. Le lecteur a davantage de choix. Les ouvrages pour la jeunesse sont alors souvent des romans d’aventures, des petits policiers en quelque sorte. L’arrivée en 1968 de l’École des loisirs va bousculer cela en publiant une littérature plus psychologique, s’intéressant aux relations familiales par exemple. La littérature policière pour enfants devient un peu surrannée.

CRL : Votre ouvrage est l’occasion aussi de replonger dans toute une époque, de découvrir le parcours lambda d’un Normalien, futur instituteur.
Y. M
. : Cela ne m’intéressait pas d’aborder cela d’un strict point de vue biographique. C’était pour moi effectivement un prétexte pour éclairer toute une période. Paul-Jacques Bonzon est né en 1908 dans une famille de militaires à Sainte-Marie-du-Mont. On voit très bien que c’est grâce aux carrières militaires que fonctionne l’ascenseur social. Blessé à la guerre, le père reviendra à Saint-Lô comme rédacteur à la préfecture de la Manche. Paul-Jacques Bonzon fera donc son école primaire à Saint-Lô. Puis l’école primaire supérieure, l’équivalent de nos collèges actuels. Il entrera à l’École Normale supérieure de Saint-Lô en 1924. Il prendra son premier poste en 1927 mais tombera rapidement malade. La tuberculose.

CRL : Vous avez d’ailleurs choisi de consacrer une large place au séjour de l’auteur au sanatorium de Sainte-Feyre. Pourquoi ?
Y. M. :
Il y a eu effectivement une épidémie de tuberculose à l’École Normale. Le directeur de l’époque en avait d’ailleurs informé ses tutelles, jusqu’au ministre qui s’en est inquiété. Un jeune élève atteint de tuberculose avait été admis en 1923… C’est là l’explication de l’épidémie. Deux Normaliens sont décédés. Bonzon va être malade. On parlera de bronchite chronique. Parler de tuberculose aurait entraîné son éviction. En 1927, il a pris son premier poste, mais n’est resté que deux mois. Il est parti alors au sanatorium de Sainte-Feyre réservé aux instituteurs. Il y rencontrera sa femme d’ailleurs. Je me suis intéressé au quotidien des patients. Il y avait là-bas une vie culturellement riche : on y faisait du théâtre, de la musique, du dessin, de la peinture. On y a créé une radio, un journal. On y invitait des pédagogues de haute renommée. Bonzon y restera cinq ans et demi sans avancement de carrière… Il va alors se consacrer à la peinture, vendre des cartes postales, se mettre au dessin. On lui reconnaît un trait, un sens de l’observation. À sa sortie, il est titularisé, nommé à Barenton. Puis il demandera son autorisation pour s’installer dans la Drôme, département de sa femme.

CRL : Faites-vous un lien entre son métier d’instituteur et son activité d’écrivain pour la jeunesse ?
Y. M. :
Tout à fait. Il écrit ses trois premiers ouvrages en 1945, 1947 et 1948. Le suivant ne paraîtra qu’en 1953. Mais cela correspond, selon moi, à une époque plus difficile de sa vie. Tous les éléments de l’œuvre sont là, dans ces trois premiers titres. Les personnages sont des pré-adolescents, un public qu’il connaît bien. Il teste ses idées auprès d’eux souvent ! Ils sont issus de milieux modestes, confrontés au malheur, la perte d’un parent par exemple. On est dans le roman d’apprentissage, d’initiation où les obstacles vous grandissent. Ces trois romans, Loutsi-Chien et ses jeunes maîtres, Delph le marin et Le Jongleur à l’étoile affichent les mêmes valeurs : la solidarité, l’amitié, le groupe. Bonzon a connu la méthode Freinet. Comme instituteur, il a introduit une pédagogie coopérative. Son œuvre a été reconnue, primée. Bonzon devient un écrivain reconnu par la profession et les librairies.

CRL : Il est surtout connu pour la série des Six compagnons publiés dans la célèbre  « Bibliothèque verte » ?
Y. M. :
Hachette à l’époque avait acquis les droits de traduction des séries d’Enyd Blyton, Le Clan des 7, Le Club des 5. Elles connaissent beaucoup de succès en France. C’est à leur suite que Bonzon créé Les Six compagnons, qui se sont appelés Les Compagnons de la Croix-Rousse au départ. Trente-huit ouvrages de la série porteront sa signature. Douze seront écrits par d’autres après sa mort. Chaque titre était imprimé à 500.000 exemplaires environ ! C’est énorme ! Bonzon en écrira plusieurs par an. La série fonctionne, il continuera avec La Famille H.L.M. et Diabolo à destination des plus jeunes. Bonzon écrira aussi onze titres pour l’école et l’apprentissage de la lecture. Bonzon était un pédagogue.

CRL : Comment définiriez-vous l’œuvre de Bonzon ?
Y. M. :
C’est une œuvre humaniste qui prône la solidarité, la courtoisie, évoque la construction de la personnalité. Aujourd’hui le terme « moralisateur » est galvaudé, mais on pourrait parler d’éducation sociale. C’était un homme laïc, pétri des valeurs de l’humanisme républicain, démocrate et sachant écouter…

Propos recueillis par Nathalie Colleville
De la Manche à la Drôme : itinéraire de l’écrivain Paul-Jacques Bonzon, instituteur et romancier pour la jeunesse, Yves Marion,  (éditions Eurocibles, « Inédits et introuvables du patrimoine normand », 2009)
Vernissage de l’exposition  « Paul-Jacques Bonzon, écrivain pour la jeunesse », samedi 2 octobre à 14h à la bibliothèque municipale de Carentan. Suivi d’une conférence d’Yves Marion.
Square Hervé-Mangon à Carentan. Rens. au 02 33 42 72 25 ou [email protected]

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